Mgr Nicolas Vélimirovitch (Saint Nicolas de Jitcha) 1880 -1956 - LA VIE ( partie II )
JEAN-CLAUDE LARCHET
LA VIE ET L’OEUVRE DE SAINT NICOLAS DE JITCHA
Pendant toute la période où Monseigneur Nicolas fut évêque d’Ohrid, de Bitolj et de Žiča, fut entrepris dans ces diocèses, sous son impulsion, tout un travail de rénovation matérielle et institutionnelle.Il organisa la réfection de nombreux monastères détruits, abandonnés ou à moitié vides ainsi que de nombreux monuments. Il restaura et créa de nombreuses institutions et fondations de bienfaisance. Il vint en particulier en aide aux enfants pauvres, aux orphelins et aux écoliers d’origine modeste, sans distinction de race et de religion. Il créa à Bitolj, Kraljevo, Čačak, Gornji Milanovac et Kragujevac, des foyers où furent recueillis, juste avant la seconde guerre mondiale,
plus de six cents enfants. Pour beaucoup d’enfants pauvres de Yougoslavie, il devint « l’oncle Nicolas ».
En outre, il donna un nouveau souffle à la vie spirituelle, liturgique et monastique et à toutes les pratiques caritatives bien au-delà des frontières de ses diocèses. Ses qualités personnelles, ses charismes spirituels, son don de la parole et son talent d’écrivain attirèrent de nombreuses personnes vers lui, et par lui vers l’Église.
Un commentateur écrit : « Lorsqu’on veut apprécier l’oeuvre de Nicolas Velimirović, il faut avoir aussi en vue l’influence incomparable qu’il a exercée sur ses contemporains. Il a été le guide spirituel, le phare, l’inspirateur. Sans exagération aucune, on peut distinguer l’Église serbe avant et après Nicolas Velimirović.
LA VIE ET L’OEUVRE DE SAINT NICOLAS DE JITCHA
Pendant toute la période où Monseigneur Nicolas fut évêque d’Ohrid, de Bitolj et de Žiča, fut entrepris dans ces diocèses, sous son impulsion, tout un travail de rénovation matérielle et institutionnelle.Il organisa la réfection de nombreux monastères détruits, abandonnés ou à moitié vides ainsi que de nombreux monuments. Il restaura et créa de nombreuses institutions et fondations de bienfaisance. Il vint en particulier en aide aux enfants pauvres, aux orphelins et aux écoliers d’origine modeste, sans distinction de race et de religion. Il créa à Bitolj, Kraljevo, Čačak, Gornji Milanovac et Kragujevac, des foyers où furent recueillis, juste avant la seconde guerre mondiale,
plus de six cents enfants. Pour beaucoup d’enfants pauvres de Yougoslavie, il devint « l’oncle Nicolas ».
En outre, il donna un nouveau souffle à la vie spirituelle, liturgique et monastique et à toutes les pratiques caritatives bien au-delà des frontières de ses diocèses. Ses qualités personnelles, ses charismes spirituels, son don de la parole et son talent d’écrivain attirèrent de nombreuses personnes vers lui, et par lui vers l’Église.
Un commentateur écrit : « Lorsqu’on veut apprécier l’oeuvre de Nicolas Velimirović, il faut avoir aussi en vue l’influence incomparable qu’il a exercée sur ses contemporains. Il a été le guide spirituel, le phare, l’inspirateur. Sans exagération aucune, on peut distinguer l’Église serbe avant et après Nicolas Velimirović.
Avec lui, c’est une autre époque qui commence. Tout se passe comme si, grâce à lui, les Serbes avaient redécouvert la religion. Son magnétisme attira vers l’Église une élite intellectuelle, des théologiens de tout premier plan, comme
Justin Popović [...] et tout une pléiade de jeunes. Simultanément, l’évêque Nicolas entraîna et canalisa les masses de fidèles qui, soudain, retrouvèrent une soif spirituelle immense. »
Entre 1921 et 1927, Monseigneur Nicolas fut souvent envoyé à l’étranger pour y accomplir des missions ecclésiales et nationales. Il se rendit d’abord aux États-Unis en 1921.
Le principal but de son voyage était de jeter les bases de l’Église orthodoxe serbe en Amérique. C’est ainsi qu’il fut nommé, pour une période de six mois, administrateur de l’évêché serbe américano-canadien nouvellement créé. C’est à son initiative que fut construit le monastère Saint-Sava à Libertyville. Pendant son séjour, il donna plus de cent cinquante homélies et conférences dans diverses églises et universités et il récolta des fonds pour les orphelinats qu’il avait fondés dans son diocèse.
Les années suivantes, il se rendit à Athènes, à Constantinople et au Mont-Athos.
Il retourna aux États-Unis en 1927 à l’invitation de diverses institutions, pour un séjour de six mois au cours duquel il donna de nouveau de nombreuses conférences dans les églises et les universités. Sur le chemin du retour, il s’arrêta une quinzaine de jours en Angleterre, où il annonça prophétiquement la venue de la seconde guerre mondiale.
En 1930, il participa à la Conférence panorthodoxe qui se tint au monastère Vatopaidi au Mont-Athos, où il fit entendre la voix de l’Orthodoxie, faisant émerger la Tradition de l’Église universelle au sein des traditions locales souvent marquées par des tendances nationalistes, « dans le but, dit-il, de présenter de manière claire et compréhensible aux chrétiens occidentaux la foi vraie et éternelle de l’Église une, catholique et apostolique ».
Il fut souvent présent aux Conférences pour la paix, aux rencontres internationales de l’Union chrétienne des jeunes dans le monde (YMCA) et aux nombreuses rencontres et conférences organisées par le mouvement oecuménique alors en plein développement.
À travers de nombreuses rencontres, il s’efforça aussi de maintenir de bons rapports avec les membres des Églises voisines et soeurs (en particulier grecque et bulgare), ainsi qu’avec les membres des autres confessions chrétiennes présentes dans la Yougoslavie d’avant-guerre.Monseigneur Nicolas fut également conduit à s’engager dans certains épisodes de la vie politique de son temps. En 1937, il s’opposa avec succès au concordat imposé à l’Église par le gouvernement de Stojadinović et de Korosec, qui résultait d’un accord conclu avec le Vatican et faisait du pays une terre de mission pour l’Église latine. Il prit également part, aux côtés du patriarche Gabriel
Dožić, au rejet du Pacte signé, le 25 mars 1941, avec l’Allemagne et l’Italie, par le gouvernement Cvetković, ce qui lui attira la sympathie du peuple et la haine des dirigeants allemands.Il est étonnant de constater que, malgré la multiplicité de ses activités et de ses déplacements,Monseigneur Nicolas conserva pendant toute cette période une activité littéraire intense.
De nombreuses oeuvres importantes parurent entre 1920 et 1941 : Paroles sur l’homme universel (1920), Prières sur le lac (1922), Pensées sur le bien et le mal (1923), Nouveaux sermons sous la montagne (1923), Homélies pour les dimanches et jours de fête (1925), La foi des hommes cultivés
(1928), Le Prologue d’Ohrid (1928), La guerre et la Bible (1931), Symboles et signaux (1932),Emmanuel (1937), Nomologie (1940), Le peuple serbe comme serviteur de Dieu (1941),Lettres missionnaires (1937-1941).
* * *
L’oeuvre foisonnante de Monseigneur Nicolas fut interrompue par la Seconde guerre mondiale.
Le 6 avril 1941, les troupes allemandes envahirent la Yougoslavie. À ce moment, Monseigneur Nicolas se trouvait au monastère de Žiča. L’occupant y envoya deux émissaires pour lui demander,« puisque le peuple l’écoutait », d’user de son influence en appelant les Serbes à se soumettre. Il refusa avec indignation cette proposition de collaboration, leur répondant : « Le peuple serbe ne m’écoute pas, car s’il m’avait écouté, vous ne seriez pas ici. »
Avec courage, il protesta publiquement contre les fusillades de Kraljevo et se mit d’emblée au service de la population victime de l’occupation, venant notamment en aide à de nombreux Juifs persécutés.
En raison de sa résistance à l’occupant et de l’audience dont il jouissait au sein du peuple, Monseigneur Nicolas fut arrêté le 12 juillet 1941, jour des saints apôtres Pierre et Paul. Selon les affirmations du général Ler, c’est Hitler lui-même qui aurait ordonné son arrestation. Conduit devant le général allemand, il refusa le siège qu’il lui proposait disant : « Je n’ai ni a parler ni à m’asseoir avec vous qui avez réduit mon peuple en esclavage. » Il fut aussitôt enfermé au monastère de Ljubostinja, puis transféré dans une prison au régime plus sévère, au monastère Vojlovica, près de Pančevo, où il fut incarcéré pendant près de trois ans avec le patriarche Gabriel.
Monseigneur Nicolas évoque ainsi la façon dont il affronta l’épreuve de la captivité : « Étant prisonnier, vivant dans une cellule solitaire pour une longue période, je me suis d’abord révolté en esprit contre mon emprisonnement et mon incapacité d’agir en quoi que ce fût. En priant Dieu qu’Il m’éclairât et en lisant l’Évangile, je fixai mon attention sur les fréquents séjours du Christ au désert et sur ce qu’Il disait aux apôtres : “Venez à part dans un lieu solitaire.” Cela me fit comprendre ma position. Je compris qu’en prison j’étais déjà dans un désert, à l’écart du monde, isolé et seul avec mon Dieu. Je me dis : “Je suis ici non pour faire quelque chose mais pour être. Ce temps est pour moi la nuit et non le jour. Si toutes les activités extérieures me sont interdites, l’activité intérieure
reste en mon pouvoir. Je peux surveiller mon esprit et mon coeur librement. Je peux pleurer, crier et prier. Dans cet isolement, je peux illuminer mon esprit et purifier mon coeur de toute crainte, peur et convoitise. Je peux implorer mon Seigneur Dieu de me guérir de toutes les insuffisances de mon âme et de me restaurer. »
De cette époque datent une centurie spirituelle, toute centrée sur la valeur fondamentale de l’Évangile : la Centurie de Ljubostinja, deux textes qui sont des prières : Le canon de prière et la prière à la Très Sainte Vierge de Vojlovica et les Trois prières à l’ombre des baïonnettes allemandes.
Le 14 septembre 1944, les Allemands transférèrent Monseigneur Nicolas et le Patriarche Gabriel de Vojlovica au camp de concentration de Dachau, où ils restèrent internés presque jusqu’à la fin de la guerre.
Cet enfer fut pour Monseigneur Nicolas le lieu d’une expérience mystique très profonde,qui alla jusqu’à la vision de Dieu et qu’il évoquait discrètement en ces termes : « Au camp, c’est ainsi : tu es assis dans un coin et tu te dis encore et encore : “Je suis poussière et cendre. Seigneur,prends mon âme !” Et soudain ton âme est élevée dans les Cieux et tu vois Dieu face à face. Mais tu ne peux pas le supporter et tu Lui dis : “Je ne suis pas prêt ! Fais-moi revenir en bas !” Et ainsi une fois de plus tu es assis là pendant des heures et des heures, répétant : “Je suis poussière, je suis cendres ; prends mon âme !” Et encore une fois, Dieu te saisit vers le haut !” »
À la fin du mois de janvier 1945, Monseigneur Nicolas et le patriarche Gabriel furent amenés à Vienne, où les Allemands leur proposèrent de collaborer. Ils opposèrent un refus catégorique à ces propositions mais obtinrent cependant de pouvoir, accompagnés par des agents de la sécurité militaire allemande, se rendre pour une courte visite pastorale dans les camps de l’armée serbe réfugiée en Slovénie et en Italie. Tous deux furent finalement libérés le 8 mai 1945 par la 36e division américaine qui investit le camp de Dachau. Après qu’ils eurent erré quelque temps, comme des millions de réfugiés, sur les routes des pays occidentaux, le Patriarche Gabriel décida de rentrer en Serbie pour reprendre la direction de l’Église, tandis que Monseigneur Nicolas se résigna,
comme des milliers de Serbes, à prendre le chemin de l’exil : il savait que s’il rentrait au pays, il serait, étant donné le prestige dont il jouissait, inévitablement réduit au silence par le régime communiste instauré par Tito. Après avoir tenté de séjourner en Angleterre, il se rendit aux États-Unis dans le courant de l’année 1946. Il était exténué par les épreuves subies au cours des dernières années et par son errance des derniers mois et, à partir de ce moment, il fut souvent malade.
Il retrouva cependant la force de poursuivre son travail missionnaire et ecclésial. Il sillonna les États-Unis et le Canada, encourageant les faibles, réconciliant ceux qui étaient brouillés et propageant la foi. Tous les orthodoxes et les autres chrétiens d’Amérique du Nord avaient une haute estime pour son travail pastoral, et le considéraient comme faisant partie, comme le disait le Père Alexandre Schmemann, des « apôtres et missionnaires du Nouveau Continent ».
En juin 1946, Monseigneur Nicolas reçut un doctorat honoris causa de l’Université de Columbia.
De 1946 à 1949, il enseigna au séminaire serbe du monastère Saint-Sava à Libertyville, près de Chicago. Il donna également des cours à l’Institut Saint-Vladimir à Crestwood et au séminaire russe de la Sainte-Trinité à Jordanville. Évoquant son passage à Saint-Vladimir, le Père Alexandre Schmemann, doyen de l’Institut, écrivait : « Il y a peu d’événements dans la vie et l’activité de notre Faculté que nous nous rappelions avec autant de joie et de gratitude que l’aide que nous avons reçue de Monseigneur Nicolas, d’éternelle mémoire. Nous savions que Dieu nous avait donné le privilège d’être en compagnie du plus éminent hiérarque orthodoxe du XXe siècle. Monseigneur Nicolas n’était pas seulement un grand Serbe. Il est, pour tous les Orthodoxes, l’expression de la spiritualité orthodoxe. »
À partir de 1951, Monseigneur Nicolas occupa au séminaire du monastère Saint-Tikhon à South Canan (Pennsylvanie) les fonctions de professeur (enseignant désormais uniquement en anglais) puis de doyen et de recteur.
C’est au monastère Saint-Tikhon à South Canan, dans la modeste chambre qu’il occupait, que Monseigneur Nicolas s’endormit dans le Seigneur, le dimanche 5 mars 1956 au petit matin, alors qu’il venait de se lever, était à genoux en prière, et s’apprêtait à célébrer la divine Liturgie.
Ses obsèques furent célébrés à la cathédrale Saint-Sava de la ville de New York, puis son corps fut transféré au monastère de Saint-Sava à Libertyville. On l’ensevelit près de l’autel de l’église, en présence de nombreux fidèles orthodoxes.
À l’annonce de sa mort, les cloches de nombreux monastères et églises retentirent en Serbie, et des pannychides et des offices à sa mémoire furent célébrés pendant quarante jours. La dernière volonté de Monseigneur Nicolas était d’être enterré dans sa chère « patrie », « là où il avait appris l’alphabet », c’est-à-dire au monastère Ćelije près de Lelić, son village bien-aimé.
Le Père Justin Popović fut le premier en Serbie à parler publiquement de Monseigneur Nicolas comme d’un saint, en particulier lors des pannychides annuelles célébrées à Lelić, tandis que l’évêque de l’Église russe hors-frontières aux États-Unis, Monseigneur Jean Maximovitch, l’appelait, déjà en 1958, « le Chrysostome de notre époque, un grand homme saint et un Maître universel de l’Orthodoxie ».
La vénération croissante du peuple serbe à l’égard de Monseigneur Nicolas amena l’Église serbe à adresser au Gouvernement américain une demande pour que ses reliques fussent rapatriées en Serbie. Celles-ci furent transférées le 3 mai 1991 et accueillies à l’aéroport de Belgrade par Sa Sainteté le patriarche Paul et de nombreux évêques, prêtres, moines, ainsi que par le peuple. Un accueil semblable, en présence d’un nombre plus grand de fidèles, eut lieu en l’église Saint-Sava à Belgrade (du 3 au 5 mai), puis au monastère de Žiča (du 5 au 12 mai). De là les reliques de Monseigneur Nicolas furent transférées à Lelić, son village natal et déposées en son église, où elles reposent aujourd’hui.
Le 18 décembre 2002, la veille de la Saint-Nicolas, les reliques de Monseigneur Nicolas furent de nouveau transférées à Žiča, où une foule immense vint se recueillir et lui rendre hommage jusqu’au jour de la Saint Étienne (le 09 janvier 2003).
Ce transfert se fit à l’occasion d’une série de célébrations à la mémoire de Monseigneur Nicolas,organisées au monastère de Žiča et à Kraljevo. L’un des moments forts de ces célébrations fut un symposium international organisé par Monseigneur Athanase Jevtić, et auquel participèrent douze métropolites et évêques, de nombreux higoumènes, moines, moniales et représentants du clergé,ainsi que diverses personnalités venues de toutes les régions de l’ex-Yougoslavie, mais aussi des États-Unis, de Russie, de France, de Géorgie et de Palestine. Vingt-cinq communications présentèrent divers aspects de la vie, de la personnalité et de l’oeuvre de Monseigneur Nicolas. Les principales d’entre elles ont été réunies dans un très beau volume commémoratif, comportant par
ailleurs une biographie de Monseigneur Nicolas, plusieurs de ses oeuvres, des documents et des témoignages le concernant, de nombreuses photos ainsi que les reproductions de la plupart des icônes et fresques répandues à travers le monde qui le représentent.
À la fin de ce symposium, des voix s’élevèrent pour exprimer le souhait que Monseigneur Nicolas soit officiellement canonisé et que sa sainteté soit ainsi proclamée au sein de l’Église orthodoxe universelle.
* * *
Considérant le fait que Monseigneur Nicolas était depuis plusieurs décennies vénéré par tout le clergé et tout le peuple comme un saint dans l’Église serbe, que des icônes le représentant ont été répandues partout dans le monde et qu’ont été enregistrés depuis son décès de nombreux témoignages de miracles accomplis par lui, l’Assemblée de l’épiscopat de l’Église serbe, le 19 mai 2003, proclama officiellement sa sainteté, inscrivant son nom au calendrier en date du 5 mars, jour de son décès, et du 20 avril, jour du transfert de ses reliques des États-Unis en Serbie.
La cérémonie solennelle de canonisation eut lieu le 24 mai en la cathédrale Saint-Sava à Belgrade, au cours d’une
liturgie eucharistique célébrée par le patriarche Paul et à laquelle participèrent tous les métropolites et évêques de l’Église serbe.
Tous purent alors répéter solennellement les paroles que le Père Justin Popović prononça lors du cinquième anniversaire de la mort de Monseigneur Nicolas : « Merci Seigneur, en lui nous avons un nouvel apôtre ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouvel évangéliste ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouveau confesseur ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouveau martyr ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouveau saint ! »
................................
Conférence donnée à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, Paris, le 5 mars 2005,
dans le cadre de la présentation du livre de Mgr Nicolas Vélimirovitch (Saint Nicolas de Jitcha),
Prières sur le lac (éd. L’Age d’Homme, 2004).
Justin Popović [...] et tout une pléiade de jeunes. Simultanément, l’évêque Nicolas entraîna et canalisa les masses de fidèles qui, soudain, retrouvèrent une soif spirituelle immense. »
Entre 1921 et 1927, Monseigneur Nicolas fut souvent envoyé à l’étranger pour y accomplir des missions ecclésiales et nationales. Il se rendit d’abord aux États-Unis en 1921.
Le principal but de son voyage était de jeter les bases de l’Église orthodoxe serbe en Amérique. C’est ainsi qu’il fut nommé, pour une période de six mois, administrateur de l’évêché serbe américano-canadien nouvellement créé. C’est à son initiative que fut construit le monastère Saint-Sava à Libertyville. Pendant son séjour, il donna plus de cent cinquante homélies et conférences dans diverses églises et universités et il récolta des fonds pour les orphelinats qu’il avait fondés dans son diocèse.
Les années suivantes, il se rendit à Athènes, à Constantinople et au Mont-Athos.
Il retourna aux États-Unis en 1927 à l’invitation de diverses institutions, pour un séjour de six mois au cours duquel il donna de nouveau de nombreuses conférences dans les églises et les universités. Sur le chemin du retour, il s’arrêta une quinzaine de jours en Angleterre, où il annonça prophétiquement la venue de la seconde guerre mondiale.
En 1930, il participa à la Conférence panorthodoxe qui se tint au monastère Vatopaidi au Mont-Athos, où il fit entendre la voix de l’Orthodoxie, faisant émerger la Tradition de l’Église universelle au sein des traditions locales souvent marquées par des tendances nationalistes, « dans le but, dit-il, de présenter de manière claire et compréhensible aux chrétiens occidentaux la foi vraie et éternelle de l’Église une, catholique et apostolique ».
Il fut souvent présent aux Conférences pour la paix, aux rencontres internationales de l’Union chrétienne des jeunes dans le monde (YMCA) et aux nombreuses rencontres et conférences organisées par le mouvement oecuménique alors en plein développement.
À travers de nombreuses rencontres, il s’efforça aussi de maintenir de bons rapports avec les membres des Églises voisines et soeurs (en particulier grecque et bulgare), ainsi qu’avec les membres des autres confessions chrétiennes présentes dans la Yougoslavie d’avant-guerre.Monseigneur Nicolas fut également conduit à s’engager dans certains épisodes de la vie politique de son temps. En 1937, il s’opposa avec succès au concordat imposé à l’Église par le gouvernement de Stojadinović et de Korosec, qui résultait d’un accord conclu avec le Vatican et faisait du pays une terre de mission pour l’Église latine. Il prit également part, aux côtés du patriarche Gabriel
Dožić, au rejet du Pacte signé, le 25 mars 1941, avec l’Allemagne et l’Italie, par le gouvernement Cvetković, ce qui lui attira la sympathie du peuple et la haine des dirigeants allemands.Il est étonnant de constater que, malgré la multiplicité de ses activités et de ses déplacements,Monseigneur Nicolas conserva pendant toute cette période une activité littéraire intense.
De nombreuses oeuvres importantes parurent entre 1920 et 1941 : Paroles sur l’homme universel (1920), Prières sur le lac (1922), Pensées sur le bien et le mal (1923), Nouveaux sermons sous la montagne (1923), Homélies pour les dimanches et jours de fête (1925), La foi des hommes cultivés
(1928), Le Prologue d’Ohrid (1928), La guerre et la Bible (1931), Symboles et signaux (1932),Emmanuel (1937), Nomologie (1940), Le peuple serbe comme serviteur de Dieu (1941),Lettres missionnaires (1937-1941).
* * *
L’oeuvre foisonnante de Monseigneur Nicolas fut interrompue par la Seconde guerre mondiale.
Le 6 avril 1941, les troupes allemandes envahirent la Yougoslavie. À ce moment, Monseigneur Nicolas se trouvait au monastère de Žiča. L’occupant y envoya deux émissaires pour lui demander,« puisque le peuple l’écoutait », d’user de son influence en appelant les Serbes à se soumettre. Il refusa avec indignation cette proposition de collaboration, leur répondant : « Le peuple serbe ne m’écoute pas, car s’il m’avait écouté, vous ne seriez pas ici. »
Avec courage, il protesta publiquement contre les fusillades de Kraljevo et se mit d’emblée au service de la population victime de l’occupation, venant notamment en aide à de nombreux Juifs persécutés.
En raison de sa résistance à l’occupant et de l’audience dont il jouissait au sein du peuple, Monseigneur Nicolas fut arrêté le 12 juillet 1941, jour des saints apôtres Pierre et Paul. Selon les affirmations du général Ler, c’est Hitler lui-même qui aurait ordonné son arrestation. Conduit devant le général allemand, il refusa le siège qu’il lui proposait disant : « Je n’ai ni a parler ni à m’asseoir avec vous qui avez réduit mon peuple en esclavage. » Il fut aussitôt enfermé au monastère de Ljubostinja, puis transféré dans une prison au régime plus sévère, au monastère Vojlovica, près de Pančevo, où il fut incarcéré pendant près de trois ans avec le patriarche Gabriel.
Monseigneur Nicolas évoque ainsi la façon dont il affronta l’épreuve de la captivité : « Étant prisonnier, vivant dans une cellule solitaire pour une longue période, je me suis d’abord révolté en esprit contre mon emprisonnement et mon incapacité d’agir en quoi que ce fût. En priant Dieu qu’Il m’éclairât et en lisant l’Évangile, je fixai mon attention sur les fréquents séjours du Christ au désert et sur ce qu’Il disait aux apôtres : “Venez à part dans un lieu solitaire.” Cela me fit comprendre ma position. Je compris qu’en prison j’étais déjà dans un désert, à l’écart du monde, isolé et seul avec mon Dieu. Je me dis : “Je suis ici non pour faire quelque chose mais pour être. Ce temps est pour moi la nuit et non le jour. Si toutes les activités extérieures me sont interdites, l’activité intérieure
reste en mon pouvoir. Je peux surveiller mon esprit et mon coeur librement. Je peux pleurer, crier et prier. Dans cet isolement, je peux illuminer mon esprit et purifier mon coeur de toute crainte, peur et convoitise. Je peux implorer mon Seigneur Dieu de me guérir de toutes les insuffisances de mon âme et de me restaurer. »
De cette époque datent une centurie spirituelle, toute centrée sur la valeur fondamentale de l’Évangile : la Centurie de Ljubostinja, deux textes qui sont des prières : Le canon de prière et la prière à la Très Sainte Vierge de Vojlovica et les Trois prières à l’ombre des baïonnettes allemandes.
Le 14 septembre 1944, les Allemands transférèrent Monseigneur Nicolas et le Patriarche Gabriel de Vojlovica au camp de concentration de Dachau, où ils restèrent internés presque jusqu’à la fin de la guerre.
Cet enfer fut pour Monseigneur Nicolas le lieu d’une expérience mystique très profonde,qui alla jusqu’à la vision de Dieu et qu’il évoquait discrètement en ces termes : « Au camp, c’est ainsi : tu es assis dans un coin et tu te dis encore et encore : “Je suis poussière et cendre. Seigneur,prends mon âme !” Et soudain ton âme est élevée dans les Cieux et tu vois Dieu face à face. Mais tu ne peux pas le supporter et tu Lui dis : “Je ne suis pas prêt ! Fais-moi revenir en bas !” Et ainsi une fois de plus tu es assis là pendant des heures et des heures, répétant : “Je suis poussière, je suis cendres ; prends mon âme !” Et encore une fois, Dieu te saisit vers le haut !” »
À la fin du mois de janvier 1945, Monseigneur Nicolas et le patriarche Gabriel furent amenés à Vienne, où les Allemands leur proposèrent de collaborer. Ils opposèrent un refus catégorique à ces propositions mais obtinrent cependant de pouvoir, accompagnés par des agents de la sécurité militaire allemande, se rendre pour une courte visite pastorale dans les camps de l’armée serbe réfugiée en Slovénie et en Italie. Tous deux furent finalement libérés le 8 mai 1945 par la 36e division américaine qui investit le camp de Dachau. Après qu’ils eurent erré quelque temps, comme des millions de réfugiés, sur les routes des pays occidentaux, le Patriarche Gabriel décida de rentrer en Serbie pour reprendre la direction de l’Église, tandis que Monseigneur Nicolas se résigna,
comme des milliers de Serbes, à prendre le chemin de l’exil : il savait que s’il rentrait au pays, il serait, étant donné le prestige dont il jouissait, inévitablement réduit au silence par le régime communiste instauré par Tito. Après avoir tenté de séjourner en Angleterre, il se rendit aux États-Unis dans le courant de l’année 1946. Il était exténué par les épreuves subies au cours des dernières années et par son errance des derniers mois et, à partir de ce moment, il fut souvent malade.
Il retrouva cependant la force de poursuivre son travail missionnaire et ecclésial. Il sillonna les États-Unis et le Canada, encourageant les faibles, réconciliant ceux qui étaient brouillés et propageant la foi. Tous les orthodoxes et les autres chrétiens d’Amérique du Nord avaient une haute estime pour son travail pastoral, et le considéraient comme faisant partie, comme le disait le Père Alexandre Schmemann, des « apôtres et missionnaires du Nouveau Continent ».
En juin 1946, Monseigneur Nicolas reçut un doctorat honoris causa de l’Université de Columbia.
De 1946 à 1949, il enseigna au séminaire serbe du monastère Saint-Sava à Libertyville, près de Chicago. Il donna également des cours à l’Institut Saint-Vladimir à Crestwood et au séminaire russe de la Sainte-Trinité à Jordanville. Évoquant son passage à Saint-Vladimir, le Père Alexandre Schmemann, doyen de l’Institut, écrivait : « Il y a peu d’événements dans la vie et l’activité de notre Faculté que nous nous rappelions avec autant de joie et de gratitude que l’aide que nous avons reçue de Monseigneur Nicolas, d’éternelle mémoire. Nous savions que Dieu nous avait donné le privilège d’être en compagnie du plus éminent hiérarque orthodoxe du XXe siècle. Monseigneur Nicolas n’était pas seulement un grand Serbe. Il est, pour tous les Orthodoxes, l’expression de la spiritualité orthodoxe. »
À partir de 1951, Monseigneur Nicolas occupa au séminaire du monastère Saint-Tikhon à South Canan (Pennsylvanie) les fonctions de professeur (enseignant désormais uniquement en anglais) puis de doyen et de recteur.
C’est au monastère Saint-Tikhon à South Canan, dans la modeste chambre qu’il occupait, que Monseigneur Nicolas s’endormit dans le Seigneur, le dimanche 5 mars 1956 au petit matin, alors qu’il venait de se lever, était à genoux en prière, et s’apprêtait à célébrer la divine Liturgie.
Ses obsèques furent célébrés à la cathédrale Saint-Sava de la ville de New York, puis son corps fut transféré au monastère de Saint-Sava à Libertyville. On l’ensevelit près de l’autel de l’église, en présence de nombreux fidèles orthodoxes.
À l’annonce de sa mort, les cloches de nombreux monastères et églises retentirent en Serbie, et des pannychides et des offices à sa mémoire furent célébrés pendant quarante jours. La dernière volonté de Monseigneur Nicolas était d’être enterré dans sa chère « patrie », « là où il avait appris l’alphabet », c’est-à-dire au monastère Ćelije près de Lelić, son village bien-aimé.
Le Père Justin Popović fut le premier en Serbie à parler publiquement de Monseigneur Nicolas comme d’un saint, en particulier lors des pannychides annuelles célébrées à Lelić, tandis que l’évêque de l’Église russe hors-frontières aux États-Unis, Monseigneur Jean Maximovitch, l’appelait, déjà en 1958, « le Chrysostome de notre époque, un grand homme saint et un Maître universel de l’Orthodoxie ».
La vénération croissante du peuple serbe à l’égard de Monseigneur Nicolas amena l’Église serbe à adresser au Gouvernement américain une demande pour que ses reliques fussent rapatriées en Serbie. Celles-ci furent transférées le 3 mai 1991 et accueillies à l’aéroport de Belgrade par Sa Sainteté le patriarche Paul et de nombreux évêques, prêtres, moines, ainsi que par le peuple. Un accueil semblable, en présence d’un nombre plus grand de fidèles, eut lieu en l’église Saint-Sava à Belgrade (du 3 au 5 mai), puis au monastère de Žiča (du 5 au 12 mai). De là les reliques de Monseigneur Nicolas furent transférées à Lelić, son village natal et déposées en son église, où elles reposent aujourd’hui.
Le 18 décembre 2002, la veille de la Saint-Nicolas, les reliques de Monseigneur Nicolas furent de nouveau transférées à Žiča, où une foule immense vint se recueillir et lui rendre hommage jusqu’au jour de la Saint Étienne (le 09 janvier 2003).
Ce transfert se fit à l’occasion d’une série de célébrations à la mémoire de Monseigneur Nicolas,organisées au monastère de Žiča et à Kraljevo. L’un des moments forts de ces célébrations fut un symposium international organisé par Monseigneur Athanase Jevtić, et auquel participèrent douze métropolites et évêques, de nombreux higoumènes, moines, moniales et représentants du clergé,ainsi que diverses personnalités venues de toutes les régions de l’ex-Yougoslavie, mais aussi des États-Unis, de Russie, de France, de Géorgie et de Palestine. Vingt-cinq communications présentèrent divers aspects de la vie, de la personnalité et de l’oeuvre de Monseigneur Nicolas. Les principales d’entre elles ont été réunies dans un très beau volume commémoratif, comportant par
ailleurs une biographie de Monseigneur Nicolas, plusieurs de ses oeuvres, des documents et des témoignages le concernant, de nombreuses photos ainsi que les reproductions de la plupart des icônes et fresques répandues à travers le monde qui le représentent.
À la fin de ce symposium, des voix s’élevèrent pour exprimer le souhait que Monseigneur Nicolas soit officiellement canonisé et que sa sainteté soit ainsi proclamée au sein de l’Église orthodoxe universelle.
* * *
Considérant le fait que Monseigneur Nicolas était depuis plusieurs décennies vénéré par tout le clergé et tout le peuple comme un saint dans l’Église serbe, que des icônes le représentant ont été répandues partout dans le monde et qu’ont été enregistrés depuis son décès de nombreux témoignages de miracles accomplis par lui, l’Assemblée de l’épiscopat de l’Église serbe, le 19 mai 2003, proclama officiellement sa sainteté, inscrivant son nom au calendrier en date du 5 mars, jour de son décès, et du 20 avril, jour du transfert de ses reliques des États-Unis en Serbie.
La cérémonie solennelle de canonisation eut lieu le 24 mai en la cathédrale Saint-Sava à Belgrade, au cours d’une
liturgie eucharistique célébrée par le patriarche Paul et à laquelle participèrent tous les métropolites et évêques de l’Église serbe.
Tous purent alors répéter solennellement les paroles que le Père Justin Popović prononça lors du cinquième anniversaire de la mort de Monseigneur Nicolas : « Merci Seigneur, en lui nous avons un nouvel apôtre ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouvel évangéliste ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouveau confesseur ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouveau martyr ! Merci Seigneur, en lui nous avons un nouveau saint ! »
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Conférence donnée à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, Paris, le 5 mars 2005,
dans le cadre de la présentation du livre de Mgr Nicolas Vélimirovitch (Saint Nicolas de Jitcha),
Prières sur le lac (éd. L’Age d’Homme, 2004).
https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Mgr-Nicolas-Velimirovitch-Saint-Nicolas-de-Jitcha-1880-1956-LA-VIE-partie-II_a1782.html
17/10/2021
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