Paroisse Orthodoxe de l'Annonciation Angers

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Notre tendance à nous justifier

 

Le pharissei et publicain

 

 

Notre tendance à nous justifier

 

Schiarchimandrite Abraham (Reidman)

 

Nous avons tous l’habitude de nous justifier. Par exemple, une personne colérique, qui se montre souvent rude envers les autres, pourrait répondre à un reproche en disant : « Je ne peux pas m’empêcher de me mettre en colère, c’est à cause de mon éducation, mes parents ne m’ont pas bien élevé. » Ou encore : « C’est mon caractère, on n’y peut rien. » Parfois même, elle niera totalement la réalité : « Moi, grossier ? Pas du tout ! Je suis toujours courtois et poli avec tout le monde ! »

 

Nous trouvons nos justifications parfaitement légitimes : si nous commettons une faute, ce n’est pas notre faute à nous, mais celle des autres, des circonstances, de notre tempérament, de notre éducation, de notre santé, du climat, etc.

 

Mais que signifie réellement « se justifier soi-même » ? Ce mot implique que l’on s’attribue à soi-même la vérité, autrement dit, que l’on se considère comme juste. Théoriquement, nous nous reconnaissons tous comme pécheurs. Nous nous confessons régulièrement, parfois même chaque mois. Pourtant, dans des situations concrètes, nous nous justifions : « Dans ce cas précis, je n’y suis pour rien ; dans cette situation-là, j’ai agi correctement… » Si nous additionnons tous ces cas, nous nous apercevons, à notre honte et à notre étonnement, que nous nous disons pécheurs, mais que, dans le fond, nous nous considérons comme justes.

 

Or, en nous voyant ainsi, nous finissons inévitablement par mépriser ceux qui nous entourent. Nous les jugeons coupables de tout : ce sont eux qui nous provoquent, qui nous poussent au péché, qui nous mettent en difficulté.

 

Mais le chemin de l’autojustification est un chemin funeste, un chemin de perdition. Où mène-t-il ? Soit à une totale insensibilité spirituelle, qui empêche l’homme de voir ses propres péchés et de chercher à vivre selon les commandements de Dieu ; soit à une lutte insensée et vaine contre les circonstances qui, pense-t-il, l’empêchent de suivre l’Évangile. L’homme commence alors à consacrer toute son énergie non pas à se corriger lui-même, mais à changer ce qui l’entoure, y compris les autres. Or, chaque personne est dotée du libre arbitre, et nous ne pouvons que très peu influencer quelqu’un d’autre. Si une personne ne veut pas changer, personne ne peut la contraindre. Ainsi, celui qui s’efforce de changer les autres finit souvent par se heurter à l’échec et tombe dans le désespoir.

 

D’après l’enseignement des saints Pères, l’une des vertus essentielles au salut est l’auto-accusation. Il ne s’agit pas d’une humiliation stérile ou d’une forme de mépris de soi où l’on se blesserait par des paroles dures envers soi-même. L’auto-accusation véritable est une disposition intérieure profonde, par laquelle une personne se considère toujours comme responsable et ne rejette jamais la faute sur autrui.

 

Celui qui se reconnaît coupable en toute chose ne cherche pas d’excuses à ses fautes. Il comprend que sa mauvaise éducation ne peut pas être une justification : il est libre, et s’il le veut, il peut se comporter autrement. Il peut choisir le bien et rejeter ce qu’il a appris de mauvais dans son enfance. Il ne dira pas non plus que l’autre l’a tenté ou poussé à la faute : si quelqu’un le scandalise, il peut soit s’éloigner, soit faire face à la tentation en travaillant sur lui-même. Il ne s’attarde pas sur ce qui échappe à son contrôle, car il sait que si sa volonté libre incline vers le mal, c’est de sa propre faute.

 

Rien ne peut contraindre un homme à pécher s’il ne le veut pas. À plus forte raison pour un chrétien, car le Seigneur Jésus-Christ nous a libérés par Sa Passion sur la Croix, et à travers les saints Mystères, Il nous a donné la force de ne pas être soumis au péché. Depuis la venue du Christ, l’homme pèche volontairement, et non sous la pression des circonstances, comme cela pouvait être le cas, et en partie excusable, avant l’Incarnation.

 

L’Évangile illustre bien ces deux attitudes – l’autojustification et l’auto-accusation – sans les nommer ainsi, mais ce sont les termes utilisés dans la littérature ascétique.

 

Prenons la parabole du pharisien et du publicain, lue lors du dimanche qui précède le Grand Carême. [Lc 18,9-14]

 

Deux hommes montèrent au Temple pour prier, l’un était pharisien, l’autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : « Ô Dieu, je Te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères, ni même comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. »

 

Cet homme s’autojustifie et ne voit pas ses propres péchés. Or, cette attitude le sépare de Dieu.

L’Évangile poursuit :

« Mais le publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux au ciel ; il se frappait la poitrine en disant : “Ô Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur !” »

 

Le Seigneur conclut :

« Je vous le dis, celui-ci descendit chez lui justifié, plutôt que l’autre. Car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé. »

 

Celui qui se justifie s’élève lui-même, tandis que celui qui s’accuse s’humilie devant Dieu.

 

Que signifient les paroles du publicain : « Ô Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur » ? Ou encore celles de la Prière de Jésus : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur » ? Le pécheur est celui qui est coupable d’avoir transgressé les commandements de Dieu. Ainsi, en récitant la Prière de Jésus, nous nous accusons constamment devant Dieu : « Pardonne-moi, car je suis coupable d’avoir violé Tes commandements. »

 

Nous prononçons ces paroles, mais les ressentons-nous vraiment ? Entrons-nous dans leur signification ? Notre cœur participe-t-il à cette prière ou reste-t-il froid ? Ou bien, en disant « Seigneur, aie pitié de moi, pécheur », pensons-nous en réalité comme le pharisien : « Seigneur, je Te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres », car nous menons une vie spirituelle, nous nous confessons, nous prions avec la Prière de Jésus ? Nous prononçons les mots du repentir et de l’humilité, mais nos pensées sont celles du pharisien, ce qui empêche la prière d’être véritable, attentive et sincère.

 

Celui qui se justifie devant lui-même et devant les autres adopte une attitude qui finit toujours par transparaître à l’extérieur. Il peut même faire semblant d’être humble, car il sait que, dans un monastère ou un milieu chrétien, l’humilité est valorisée.

 

Mais le publicain, lui, a simplement dit un mot : « pécheur ». S’il l’a dit sincèrement, de toute son âme, alors il a acquis la vertu de l’auto-accusation.

 

Celui qui se considère toujours comme un pécheur manifeste cette attitude dans toutes les circonstances de la vie. Alors que nous cherchons toujours à nous justifier, il dira : « Oui, c’est ma faute, j’ai péché. »

 

Que le Seigneur nous accorde cette humilité véritable, afin que, dans le repentir sincère, nous trouvions la vraie justification devant Dieu.

 

2 mai 2015



09/02/2025

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